La notion de service public a connu une lente reconnaissance en droit communautaire, sous les termes de Services d’Intérêt Général (SIG) et de Services d’Intérêt Economique Général (SIEG). Les SIG sont des services, marchands ou non marchands, considérés comme étant d’intérêt général et soumis à des obligations de service public. Les SIEG sont des SIG « économiques », qui procèdent à la vente de biens ou de services (ex : transports postaux, d’énergie, communication). Ils sont soumis à la loi du marché et à la concurrence, mais peuvent y déroger, le cas échéant en percevant des subventions, pour l’accomplissement de leur mission.
1957 – 2006 : Une reconnaissance « par défaut » des services publics
1957 : La notion de service d’intérêt économique général (SIEG) est incluse dans le traité de Rome (article 86 – ex article 90 – paragraphe 2) mais elle est définie « par défaut », c’est-à-dire en tant qu’exception à la politique de la concurrence. « Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté ».
Après le Traité de Rome, la reconnaissance de la notion de service public a pris la forme en droit communautaire de directives sectorielles (énergie, transports, télécommunication, poste, etc.). Ces directives ont permis de définir techniquement les obligations de service publics et les règles de fonctionnement spécifiques à chaque secteur.
7 décembre 2000 : La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (article 36) pose que l’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général pour promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union.
24 décembre 2002 : Traité CE
– L’article 16 confie à la Communauté et aux États membres la tâche de veiller à ce que leurs politiques permettent aux services d’intérêt économique général de remplir leurs missions. Il énonce ce principe mais ne fournit pas à la Communauté de moyen d’action spécifique.
– L’article 86, paragraphe 2, reconnaît implicitement le droit aux États membres à imposer des obligations spécifiques de service public aux opérateurs économiques. Il établit un principe fondamental qui garantit la fourniture et le développement des services d’intérêt économique général dans le marché intérieur. Les fournisseurs de services d’intérêt général sont exemptés de l’application des règles du traité uniquement lorsque cette exemption est strictement nécessaire pour leur permettre de remplir leur mission d’intérêt général. Par conséquent, en cas de conflit, l’accomplissement d’une mission de service public peut en théorie prévaloir sur l’application des règles communautaires, y compris les règles relatives au marché intérieur et à la concurrence.
21 mai 2003 : Le livre vert de la Commission sur les services d’intérêt général vise àorganiser un débat ouvert sur le rôle de l’Union européenne dans la promotion de la fourniture de services d’intérêt général, dans la définition des objectifs d’intérêt général poursuivis par ces services et sur la manière dont ils sont organisés, financés et évalués.
12 mai 2004 : Le livre Blanc de la Commission sur les services d’intérêt général expose l’approche adoptée par l’Union européenne pour favoriser le développement de services d’intérêt général de qualité. Il présente les principaux éléments d’une stratégie visant à faire en sorte que tous les citoyens et entreprises de l’Union aient accès à des services d’intérêt général abordables et de qualité.
16 décembre 2004 : Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe (rejeté par référendum) mentionne (Article III-6 (ex- article 16 TCE)) : « eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l’Union attribuent une valeur ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l’Union et ses États membres […] veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions. »
Depuis 2007 : les débuts d’une reconnaissance « positive » des services publics
20 novembre 2007 : Une Communication de la Commission européenne donne une définition des services publics (“les services tant économiques que non économiques, que les autorités publiques classent comme étant d’intérêt général et soumettent à des obligations spécifiques de service public”), et classe les différents types de services en catégories.
13 décembre 2007 : Contrairement à ses prédécesseurs, le traité de Lisbonne instaure une réelle base juridique pour les SIEG (article 14, protocole adossé au Traité). Les SIEG une catégorie juridique à part entière.
La conception européenne qu’il établit est fondée sur le principe de subsidiarité : les Etats sont libres de définir, d’organiser et de financer les services qu’ils souhaitent qualifier de SIEG, et ce sont les échelons locaux qui ont pour mission de les mettre en place pour répondre aux besoins des citoyens. L’UE n’interfère donc en rien dans l’organisation des services publics. Ainsi, les services publics admettent des disparités géographiques, sociales et culturelles.
Le droit européen pose néanmoins la nécessité de garantir un niveau élevé de qualité, une sécurité et une accessibilité, une égalité de traitement et un accès universel pour les services publics.
10 juin au 10 septembre 2010 : Consultation publique de la Commission européenne ouverte à l’ensemble des citoyens européens afin d’établir un bilan de la mise en œuvre des mesures législatives adoptées en 2005. Sur la base des réponses obtenues, la Commission adopte le 20 décembre 2011, un nouvel ensemble de mesures sur les SIEG. Ce nouveau paquet comprend une communication du 11 janvier 2012 relative à l’application des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État aux compensations octroyées pour la prestation de services d’intérêt économique général [PDF] qui définit les principes des aides d’Etat relatives aux services d’intérêt économique général.
Le même jour est publiée une décision qui prévoit que l’ensemble des services sociaux sont désormais exemptés de l’obligation de notification à la Commission. Auparavant, seuls les hôpitaux et les logements sociaux bénéficiaient de cette exemption.