Le discours autour de l’entreprise libérée est à la mode depuis quelques années. On ne compte plus le nombre de publications faisant état, sous forme de monographies, d’entreprises parvenues à libérer l’initiative et la capacité d’action de leurs salariés, au plus grand bénéfice de tous. Au-delà de l’entreprise stricto sensu, la question concerne les organisations en général, et les services publics en particulier.
Les organisations « comment » et les organisations « pourquoi ».
Schématiquement, le discours autour de la libération des organisations oppose les organisations dont le fonctionnement reposerait sur des prescriptions imposées aux salariés quant à la manière de remplir leur mission (les entreprises « comment »), aux organisations guidées par une vision et par le sens de l’action (les entreprises « pourquoi »), les voies et moyens de parvenir à la réalisation de la vision étant dans ce cas laissés au libre choix des salariés, avec le minimum de contraintes.
La première catégorie d’entreprise, en bridant la capacité d’initiative, entraînerait de moindres performances sur la durée ainsi qu’une moindre capacité à permettre à ses membres de se réaliser au travail. La seconde catégorie d’entreprise, au contraire, permettrait une libération de l’action des individus et l’atteinte de performances supérieures, voire exceptionnelles.
Les clés de la libération de l’entreprise
De façon concrète, la capacité d’une entreprise à se « libérer » reposerait sur un certain nombre de caractéristiques reproductibles mais très étroitement liées à l’action de son responsable : sa capacité à communiquer et à faire partager sa vision de l’entreprise et à créer du sens, sa capacité à ne pas prendre de décisions qui ne relèvent pas de sa responsabilité (et donc à ne pas empiéter sur les responsabilités des autres membres de l’entreprise), son aptitude à renoncer au contrôle bureaucratique de l’activité, à établir une relation égalitaire et de confiance entre tous, sa capacité à entretenir la bienveillance, etc.
Les conditions de la libération de l’entreprise seraient donc à la fois reproductibles (elles mettent en œuvre des mécanismes similaires), mais en même temps – et c’est rassurant – s’appuieraient sur la capacité des individus en responsabilité à générer ces conditions grâce à des dimensions personnelles fortes : éthique personnelle, humilité, capacité à communiquer, à dégager d’une vision positive, à rechercher le développement humain, etc.
Services publics et entreprise libérée
Alors qu’elles devraient naturellement être des organisations « pourquoi » compte tenu de l’évidence de la plupart de leurs missions et du sens que celles-ci génèrent (soigner, maintenir l’ordre, enseigner, etc.), les organisations publiques sont souvent des organisations « comment ». L’action est la plupart du temps encadrée par un ensemble de règles et de contrôles, parfois légaux et réglementaires, les performances sont davantage guidées par des exigences de conformité que par la capacité à innover, à prendre des risques, à faire confiance, à créer de la valeur.
Alors que faire ? La question est vaste et complexe à traiter, mais il est d’ores et déjà possible de proposer trois pistes de réflexion.
– La première piste consisterait à analyser sans a priori si la quantité de procédures et de contrôles qui enserrent l’activité des professionnels ne font pas au final supporter un coût de l’action publique bien supérieur aux gains obtenus (désengagement des salariés, frein au développement du service, etc.).
– La seconde orientation consisterait à créer un cadre (modalités de recrutement, de gestion des carrières, etc.) permettant aux responsables de mettre en œuvre les qualités requises pour permettre aux organisations dont ils ont la charge d’agir plus “librement”.
– La troisième pourrait consister à repenser la formation initiale et continue en matière de management pour y intégrer un partage d’expérience avec des organisations ayant réussi évoluer vers des modes d’actions plus “libérés”.